Amour secret
Ô toi d'où me vient ma pensée,
Sois fière devant le Seigneur !
Relève ta tête abaissée,
Ô toi d'où me vient mon bonheur !
Quand je traverse cette lieue
Qui nous sépare, au sein des nuits,
Ta patrie étoilée et bleue
Rayonne à mes yeux éblouis.
C'est l'heure où cent lampes en flammes
Brillent aux célestes plafonds ;
L'heure où les astres et les âmes
Échangent des regards profonds.
Je sonde alors ta destinée,
Je songe à toi, qui viens des cieux,
A toi, grande âme emprisonnée,
A toi, grand coeur mystérieux !
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poem by Victor Hugo
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Je ne veux condamner personne, ô sombre histoire
Je ne veux condamner personne, ô sombre histoire.
Le vainqueur est toujours traîné par sa victoire
Au-delà de son but et de sa volonté ;
Guerre civile ! ô deuil ! le vainqueur emporté
Perd pied dans son triomphe et sombre en cette eau noire
Qu'on appelle succès n'osant l'appeler gloire.
C'est pourquoi tous, martyrs et bourreaux, je les plains.
Hélas ! malheur à ceux qui font des orphelins !
Malheur ! malheur ! malheur à ceux qui font des veuves !
Malheur quand le carnage affreux rougit les fleuves,
Et quand, souillant leur lit d'un flot torrentiel,
Le sang de l'homme coule où coule l'eau du ciel !
Devant un homme mort un double effroi me navre.
J'ai pitié du tueur autant que du cadavre.
Le mort tient le vivant dans sa rigide main.
Le meurtrier prendra n'importe quel chemin,
Il peut chasser ce mort, et le chasser encore,
L'enfouir dans la nuit, le noyer dans l'aurore,
Le jeter à la mer, le perdre, et, plein d'ennui,
Mettre une épaisseur d'ombre entre son crime et lui ;
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poem by Victor Hugo
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Abîme - L'Homme
Je suis l'esprit, vivant au sein des choses mortes.
Je sais forger les clefs quand on ferme les portes ;
Je fais vers le désert reculer le lion ;
Je m'appelle Bacchus, Noé, Deucalion ;
Je m'appelle Shakspeare, Annibal, César, Dante ;
Je suis le conquérant ; je tiens l'épée ardente,
Et j'entre, épouvantant l'ombre que je poursuis,
Dans toutes les terreurs et dans toutes les nuits.
Je suis Platon, je vois ; je suis Newton, je trouve.
Du hibou je fais naître Athène, et de la louve
Rome ; et l'aigle m'a dit : Toi, marche le premier !
J'ai Christ dans mon sépulcre et Job sur mon fumier.
Je vis ! dans mes deux mains je porte en équilibre
L'âme et la chair ; je suis l'homme, enfin maître et libre !
Je suis l'antique Adam ! j'aime, je sais, je sens ;
J'ai pris l'arbre de vie entre mes poings puissants ;
Joyeux, je le secoue au-dessus de ma tête,
Et, comme si j'étais le vent de la tempête,
J'agite ses rameaux d'oranges d'or chargés,
Et je crie : ' Accourez, peuples ! prenez, mangez ! '
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poem by Victor Hugo
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The Father’s Curse
[LE ROI S'AMUSE, Act I.]
M. ST. VALLIER (_an aged nobleman, from whom King Francis I.
decoyed his daughter, the famous beauty, Diana of
Poitiers_).
A king should listen when his subjects speak:
'Tis true your mandate led me to the block,
Where pardon came upon me, like a dream;
I blessed you then, unconscious as I was
That a king's mercy, sharper far than death,
To save a father doomed his child to shame;
Yes, without pity for the noble race
Of Poitiers, spotless for a thousand years,
You, Francis of Valois, without one spark
Of love or pity, honor or remorse,
Did on that night (thy couch her virtue's tom,
With cold embraces, foully bring to scorn
My helpless daughter, Dian of Poitiers.
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poem by Victor Hugo
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Amis, un dernier mot!
Amis, un dernier mot!
Toi, vertu, pleure si je meurs!
André Chénier.
Amis, un dernier mot ! - et je ferme à jamais
Ce livre, à ma pensée étranger désormais.
Je n'écouterai pas ce qu'en dira la foule.
Car, qu'importe à la source où son onde s'écoule ?
Et que m'importe, à moi, sur l'avenir penché,
Où va ce vent d'automne au souffle desséché
Qui passe, en emportant sur son aile inquiète
Et les feuilles de l'arbre et les vers du poète ?
Oui, je suis jeune encore, et quoique sur mon front,
Où tant de passions et d'oeuvres germeront,
Une ride de plus chaque jour soit tracée,
Comme un sillon qu'y fait le soc de ma pensée,
Dans le cour incertain du temps qui m'est donné,
L'été n'a pas encor trente fois rayonné.
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poem by Victor Hugo
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Apparition
Je vis un ange blanc qui passait sur ma tête ;
Son vol éblouissant apaisait la tempête,
Et faisait taire au loin la mer pleine de bruit.
- Qu'est-ce que tu viens faire, ange, dans cette nuit ?
Lui dis-je. - Il répondit : - je viens prendre ton âme. -
Et j'eus peur, car je vis que c'était une femme ;
Et je lui dis, tremblant et lui tendant les bras :
- Que me restera-t-il ? car tu t'envoleras. -
Il ne répondit pas ; le ciel que l'ombre assiège
S'éteignait... - Si tu prends mon âme, m'écriai-je,
Où l'emporteras-tu ? montre-moi dans quel lieu.
Il se taisait toujours. - Ô passant du ciel bleu,
Es-tu la mort ? lui dis-je, ou bien es-tu la vie ? -
Et la nuit augmentait sur mon âme ravie,
Et l'ange devint noir, et dit : - Je suis l'amour.
Mais son front sombre était plus charmant que le jour,
Et je voyais, dans l'ombre où brillaient ses prunelles,
Les astres à travers les plumes de ses ailes.
Apparition
Je vis un ange blanc qui passait sur ma tête ;
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poem by Victor Hugo
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Depuis quatre mille ans il tombait dans l'abîme
(Et nox facta est, I)
Depuis quatre mille ans il tombait dans l'abîme.
Il n'avait pas encor pu saisir une cime,
Ni lever une fois son front démesuré.
Il s'enfonçait dans l'ombre et la brume, effaré,
Seul, et derrière lui, dans les nuits éternelles,
Tombaient plus lentement les plumes de ses ailes.
Il tombait foudroyé, morne, silencieux,
Triste, la bouche ouverte et les pieds vers les cieux,
L'horreur du gouffre empreinte à sa face livide.
Il cria : Mort ! - les poings tendus vers l'ombre vide.
Ce mot plus tard fut homme et s'appela Caïn.
Il tombait. Tout à coup un roc heurta sa main ;
Il l'étreignit, ainsi qu'un mort étreint sa tombe
Et s'arrêta. Quelqu'un d'en haut lui cria : - Tombe !
Les soleils s'éteindront autour de toi, maudit !
Et la voix dans l'horreur immense se perdit.
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poem by Victor Hugo
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Veni, Vidi, Vixi (French & English)
J'ai bien assez vécu, puisque dans mes douleurs
Je marche, sans trouver de bras qui me secourent,
Puisque je ris à peine aux enfants qui m'entourent,
Puisque je ne suis plus réjoui par les fleurs ;
Puisqu'au printemps, quand Dieu met la nature en fête,
J'assiste, esprit sans joie, à ce splendide amour ;
Puisque je suis à l'heure où l'homme fuit le jour,
Hélas ! et sent de tout la tristesse secrète ;
Puisque l'espoir serein dans mon âme est vaincu ;
Puisqu'en cette saison des parfums et des roses,
Ô ma fille ! j'aspire à l'ombre où tu reposes,
Puisque mon coeur est mort, j'ai bien assez vécu.
Je n'ai pas refusé ma tâche sur la terre.
Mon sillon ? Le voilà. Ma gerbe ? La voici.
J'ai vécu souriant, toujours plus adouci,
Debout, mais incliné du côté du mystère.
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poem by Victor Hugo
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Fuite En Sologne
Au poète Mérante
I
Ami, viens me rejoindre.
Les bois sont innocents.
Il est bon de voir poindre
L'aube des paysans.
Paris, morne et farouche,
Pousse des hurlements
Et se tord sous la douche
Des noirs événements.
Il revient, loi sinistre,
Etrange état normal !
A l'ennui par le cuistre
Et par le monstre au mal.
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poem by Victor Hugo
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An Exile's Death
Of what does this poor exile dream?
His garden plot, his dewy mead,
Perchance his tools, perchance his team,—
But ever of murdered France indeed;
Her memory makes his sad heart bleed.
While those that slew her clutch their pay,
The exile pleads with bitter cry:
One cannot live with bread away;
Afar from home, one's fain—how fain!—to die.
The workman sees his workshop still,
And the poor peasant his loved cot;
Sweet homely flowers on the window-sill,
Or the bright hearth (when flowers bloom not)
Smiling on all things unforgot,—
E'en flickering on that nook whence aye
His grandmam's bed erst met his eye.
One cannot live with bread away;
Afar from home, one's fain—how fain!—to die.
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poem by Victor Hugo
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