Deux voix dans le ciel
(extrait)
Le bleu matin dorait l'herbe dans les fossés ;
Les froids tombeaux, devant le porche de l'église,
Dormaient. Au coin du bois Pierre rencontra Lise,
Et lui dit : - Viens. - Où donc ? - Au bois. - je ne veux pas.
Les moissonneurs prenaient à l'ombre leur repas ;
Les gais pinsons jouaient sur les pierres des tombes.
- Oh ! là-bas, sur ce toit, vois toutes ces colombes !
Dit-elle ; et Pierre dit : - C'est chez moi qu'on les voit.
Viens les voir. J'ai ma chambre au bord de ce vieux toit.
J'ai chez moi la colombe et sa soeur l'hirondelle.
Tu pourras dans tes mains les prendre. - Vrai ? dit-elle,
Dans mes mains ? - Dans tes mains ! Viens-tu ? - Je n'ose pas.
Le sentier, complaisant ou traître, pas à pas,
Les mena tous les deux, pensifs, vers la chaumière.
Tout le long du chemin Lise avait peur de Pierre.
Pierre dit : - C'est ici. - Dans l'escalier étroit
Leurs souffles se mêlaient. Les colombes du toit,
Les entendant venir, fuirent à tire-d'aile.
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poem by Victor Hugo
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Paternal Love
[LE ROI S'AMUSE, Act II]
My child! oh, only blessing Heaven allows me!
Others have parents, brothers, kinsmen, friends,
A wife, a husband, vassals, followers,
Ancestors, and allies, or many children.
I have but thee, thee only. Some are rich;
Thou art my treasure, thou art all my riches.
And some believe in angels; I believe
In nothing but thy soul. Others have youth,
And woman's love, and pride, and grace, and health;
Others are beautiful; thou art my beauty,
Thou art my home, my country and my kin,
My wife, my mother, sister, friend--my child!
My bliss, my wealth, my worship, and my law,
My Universe! Oh, by all other things
My soul is tortured. If I should ever lose thee--
Horrible thought! I cannot utter it.
Smile, for thy smile is like thy mother's smiling.
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poem by Victor Hugo
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A André Chénier
Oui, mon vers croit pouvoir, sans se mésallier,
Prendre à la prose un peu de son air familier.
André, c'est vrai, je ris quelquefois sur la lyre.
Voici pourquoi. Tout jeune encor, tâchant de lire
Dans le livre effrayant des forêts et des eaux,
J'habitais un parc sombre où jasaient des oiseaux,
Où des pleurs souriaient dans l'oeil bleu des pervenches;
Un jour que je songeais seul au milieu des branches,
Un bouvreuil qui faisait le feuilleton du bois
M'a dit: -Il faut marcher à terre quelquefois.
-La nature est un peu moqueuse autour des hommes;
-O poète, tes chants, ou ce qu'ainsi tu nommes,
-Lui ressembleraient mieux si tu les dégonflais.
-Les bois ont des soupirs, mais ils ont des sifflets.
-L'azur luit, quand parfois la gaîté le déchire;
L'Olympe reste grand en éclatant de rire;
-Ne crois pas que l'esprit du poëte descend
-Lorsque entre deux grands vers un mot passe en dansant.
-Ce n'est pas un pleureur que le vent en démence;
-Le flot profond n'est pas un chanteur de romance;
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poem by Victor Hugo
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Au peuple
Il te ressemble ; il est terrible et pacifique.
Il est sous l'infini le niveau magnifique ;
Il a le mouvement, il a l'immensité.
Apaisé d'un rayon et d'un souffle agité,
Tantôt c'est l'harmonie et tantôt le cri rauque.
Les monstres sont à l'aise en sa profondeur glauque ;
La trombe y germe ; il a des gouffres inconnus
D'où ceux qui l'ont bravé ne sont pas revenus ;
Sur son énormité le colosse chavire ;
Comme toi le despote il brise le navire ;
Le fanal est sur lui comme l'esprit sur toi ;
Il foudroie, il caresse, et Dieu seul sait pourquoi ;
Sa vague, où l'on entend comme des chocs d'armures,
Emplit la sombre nuit de monstrueux murmures,
Et l'on sent que ce flot, comme toi, gouffre humain,
Ayant rugi ce soir, dévorera demain.
Son onde est une lame aussi bien que le glaive ;
Il chante un hymne immense à Vénus qui se lève ;
Sa rondeur formidable, azur universel,
Accepte en son miroir tous les astres du ciel ;
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Ce que c'est que la mort
Ne dites pas : mourir ; dites : naître. Croyez.
On voit ce que je vois et ce que vous voyez ;
On est l'homme mauvais que je suis, que vous êtes ;
On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fêtes ;
On tâche d'oublier le bas, la fin, l'écueil,
La sombre égalité du mal et du cercueil ;
Quoique le plus petit vaille le plus prospère ;
Car tous les hommes sont les fils du même père ;
Ils sont la même larme et sortent du même oeil.
On vit, usant ses jours à se remplir d'orgueil ;
On marche, on court, on rêve, on souffre, on penche, on tombe,
On monte. Quelle est donc cette aube ? C'est la tombe.
Où suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnu
Vous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,
Impur, hideux, noué des mille noeuds funèbres
De ses torts, de ses maux honteux, de ses ténèbres ;
Et soudain on entend quelqu'un dans l'infini
Qui chante, et par quelqu'un on sent qu'on est béni,
Sans voir la main d'où tombe à notre âme méchante
L'amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante.
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Fulgur
L'océan me disait : Ô poëte, homme juste,
J'ai parfois comme toi cette surprise auguste
Qu'il me descend des cieux une immense rougeur ;
Et je suis traversé tout à coup, ô songeur,
Par la foudre sublime, irritée et haïe
Comme toi par l'esprit sinistre d'Isaïe ;
Les éclairs sont mes cris, les foudres sont ma voix ;
Je gronde sur l'écueil comme toi sur les rois ;
Je suis l'avertisseur brusque, horrible et céleste.
L'énorme bras de feu m'associe à son geste
Quand il menace l'ombre et le bagne infernal.
On est beau par Virgile et grand par Juvénal,
Et mon gouffre le sait aussi bien que ton âme ;
J'ai, comme toi, l'azur, une douceur de femme,
Une gaîté d'enfant, des vagues pleines d'yeux,
Des aurores où rit le ciel prodigieux,
Des écumes parfois blanches comme les cygnes ;
Les astres par-dessus mes flots se font des signes,
Et se disent : Viens donc te mirer dans la mer.
Je suis le niveau pur, le précipice clair ;
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The Lover’s Sacrifice
[HERNANI, Act II.]
DONNA SOL. Together let us fly!
HERNANI. Together? No! the hour is past for flight.
Dearest, when first thy beauty smote my sight,
I offered, for the love that bade me live,
Wretch that I was, what misery had to give:
My wood, my stream, my mountain. Bolder grown,
By thy compassion to an outlaw shown,
The outlaw's meal beneath the forest shade,
The outlaw's couch far in the greenwood glade,
I offered. Though to both that couch be free,
I keep the scaffold block reserved for me.
DONNA SOL. And yet you promised?
HERNANI _(falls on his knee.)_ Angel! in this hour,
Pursued by vengeance and oppressed by power--
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poem by Victor Hugo
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On Hearing The Princess Royal Sing
In thine abode so high
Where yet one scarce can breathe,
Dear child, most tenderly
A soft song thou dost wreathe.
Thou singest, little girl--
Thy sire, the King is he:
Around thee glories whirl,
But all things sigh in thee.
Thy thought may seek not wings
Of speech; dear love's forbidden;
Thy smiles, those heavenly things,
Being faintly born, are chidden.
Thou feel'st, poor little Bride,
A hand unknown and chill
Clasp thine from out the wide
Deep shade so deathly still.
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poem by Victor Hugo
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En mai
Une sorte de verve étrange, point muette,
Point sourde, éclate et fait du printemps un poëte ;
Tout parle et tout écoute et tout aime à la fois ;
Et l'antre est une bouche et la source une voix ;
L'oiseau regarde ému l'oiselle intimidée,
Et dit : Si je faisais un nid ? c'est une idée !
Comme rêve un songeur le front sur l'oreiller,
La nature se sent en train de travailler,
Bégaie un idéal dans ses noirs dialogues,
Fait des strophes qui sont les chênes, des églogues
Qui sont les amandiers et les lilas en fleur,
Et se laisse railler par le merle siffleur ;
Il lui vient à l'esprit des nouveautés superbes ;
Elle mêle la folle avoine aux grandes herbes ;
Son poëme est la plaine où paissent les troupeaux ;
Savante, elle n'a pas de trêve et de repos
Jusqu'à ce qu'elle accouple et combine et confonde
L'encens et le poison dans la sève profonde ;
De la nuit monstrueuse elle tire le jour ;
Souvent avec la haine elle fait de l'amour ;
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poem by Victor Hugo
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Extase (Ecstasy)
J'étais seul près des flots, par une nuit d'étoiles.
Pas un nuage aux cieux, sur les mers pas de voiles.
Mes yeux plongeaient plus loin que le monde réel.
Et les bois, et les monts, et toute la nature,
Semblaient interroger dans un confus murmure
Les flots des mers, les feux du ciel.
Et les étoiles d'or, légions infinies,
A voix haute, à voix basse, avec mille harmonies,
Disaient, en inclinant leurs couronnes de feu ;
Et les flots bleus, que rien ne gouverne et n'arrête,
Disaient, en recourbant l'écume de leur crête :
- C'est le Seigneur, le Seigneur Dieu !
Ecstasy
I was alone beside the sea, upon a starry night
And not a cloud was in the sky, and not a sail in sight;
Beyond the limits of the world far stretched my raptured eye,
And the forests and the mountains, and nature all around,
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poem by Victor Hugo
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