Un soir (II)
Sous ce funèbre ciel de pierre,
Voûté d'ébène et de métaux,
Voici se taire les marteaux
Et s'illustrer la nuit plénière,
Voici se taire les marteaux
Qui l'ont bâtie, avec splendeur,
Dans le cristal et la lumière.
Tel qu'un morceau de gel sculpté,
Immensément morte, la lune,
Sans bruit au loin, ni sans aucune
Nuée autour de sa clarté,
Immensément morte, la lune
Parée en son grand cercueil d'or
Descend les escaliers du Nord.
Le cortège vierge et placide
Reflète son voyage astral,
Dans les miroirs d'un lac lustral
Et d'une plage translucide ;
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Les horloges
La nuit, dans le silence en noir de nos demeures,
Béquilles et bâtons qui se cognent, là-bas;
Montant et dévalant les escaliers des heures,
Les horloges, avec leurs pas ;
Émaux naifs derrière un verre, emblèmes
Et fleurs d'antan, chiffres maigres et vieux;
Lunes des corridors vides et blêmes,
Les horloges, avec leurs yeux ;
Sons morts, notes de plomb, marteaux et limes
Boutique en bois de mots sournois,
Et le babil des secondes minimes,
Les horloges, avec leurs voix ;
Gaines de chêne et bornes d'ombre,
Cercueils scellés dans le mur froid,
Vieux os du temps que grignote le nombre,
Les horloges et leur effroi ;
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La nuit
Depuis que dans la plaine immense il s'est fait soir,
Avec de lourds marteaux et des blocs taciturnes,
L'ombre bâtit ses murs et ses donjons nocturnes
Comme un Escurial revêtu d'argent noir.
Le ciel prodigieux domine, embrasé d'astres,
- Voûte d'ébène et d'or où fourmillent des yeux -
Et s'érigent, d'un jet, vers ce plafond de feux,
Les hêtres et les pins, pareils à des pilastres.
Comme de blancs linceuls éclairés de flambeaux,
Les lacs brillent, frappés de lumières stellaires,
Les champs, ils sont coupés, en clos quadrangulaires,
Et miroitent, ainsi que d'énormes tombeaux.
Et telle, avec ses coins et ses salles funèbres,
Tout entière bâtie en mystère, en terreur,
La nuit paraît le noir palais d'un empereur
Accoudé quelque part, au loin, dans les ténèbres.
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Je t'apporte, ce soir...
Je t'apporte, ce soir, comme offrande, ma joie
D'avoir plongé mon corps dans l'or et dans la soie
Du vent joyeux et franc et du soleil superbe ;
Mes pieds sont clairs d'avoir marché parmi les herbes,
Mes mains douces d'avoir touché le coeur des fleurs,
Mes yeux brillants d'avoir soudain senti les pleurs
Naître, sourdre et monter, autour de mes prunelles,
Devant la terre en fête et sa force éternelle.
L'espace entre ses bras de bougeante clarté,
Ivre et fervent et sanglotant, m'a emporté,
Et j'ai passé je ne sais où, très loin, là-bas,
Avec des cris captifs que délivraient mes pas.
Je t'apporte la vie et la beauté des plaines ;
Respire-les sur moi à franche et bonne haleine,
Les origans ont caressé mes doigts, et l'air
Et sa lumière et ses parfums sont dans ma chair.
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Hélas! les temps sont loin...
Hélas ! les temps sont loin des phlox incarnadins
Et des roses d'orgeuil illuminant ses portes,
Mais, si fané soit-il et si flétri - qu'importe ! -
Je l'aime encor de tout mon coeur, notre jardin.
Sa détresse parfois m'est plus chère et plus douce
Que ne m'était sa joie aux jours brûlants d'été ;
Oh ! le dernier parfum lentement éventé
Par sa dernière fleur sur ses dernières mousses !
Je me suis égaré, ce soir, en ses détours
Pour toucher de mes doigts fervents toutes ses plantes ;
Et tombant à genoux, parmi l'herbe tremblante
J'ai longuement baisé son sol humide et lourd.
Et maintenant qu'il meure et maintenant que viennent
Et s'étendent partout et la brume et la nuit ;
Mon être est comme entré dans sa ruine à lui
Et j'apprendrai ma mort en comprenant la sienne.
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Oh! laisse frapper à la porte
Oh ! laisse frapper à la porte
La main qui passe avec ses doigts futiles ;
Notre heure est si unique, et le reste qu'importe ;
Le reste avec ses doigt futiles.
Laisse passer, par le chemin,
La triste et fatigante joie,
Avec ses crécelles en main.
Laisse monter, laisse bruire
Et s'en aller le rire ;
Laisse passer la foule et ses milliers de voix.
L'instant est si beau de lumière,
Dans le jardin, autour de nous ;
L'instant est si rare de lumière première,
Dans notre coeur, au fond de nous ;
Tout nous prêche de n'attendre plus rien
De ce qui vient ou passe,
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Tu arbores parfois cette grâce bénigne
Tu arbores parfois cette grâce bénigne
Du matinal jardin tranquille et sinueux
Qui déroule, là-bas, parmi les lointains bleus,
Ses doux chemins courbés en cols de cygne.
Et, d'autres fois, tu m'es le frisson clair
Du vent rapide et exaltant
Qui passe, avec ses doigts d'éclair,
Dans les crins d'eau de l'étang blanc.
Au bon toucher de tes deux mains
Je sens comme des feuilles
Me doucement frôler ;
Que midi brûle le jardin,
Les ombres, aussitôt, recueillent
Les paroles chères dont ton être a tremblé.
Chaque moment me semble, grâce à toi,
Passer ainsi, divinement en moi ;
Aussi, quand l'heure vient de la nuit blême,
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Les barques d'or du bel été
Les barques d'or du bel été
Qui partirent, folles d'espace,
S'en reviennent mornes et lasses
Des horizons ensanglantés.
A coups de rames monotones,
Elles s'avancent sur les eaux ;
On les prendrait pour des berceaux
Où dormiraient des fleurs d'automne.
Tiges de lys au beau front d'or,
Toutes vous gisez abattues ;
Seules, les roses s'évertuent
A vivre, au delà de la mort.
Qu'importe à leur beauté plénière
Qu'Octobre luise ou bien Avril :
Leur désir simple et puéril
Boit, jusqu'au sang, toute lumière.
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L'immobile beauté
L'immobile beauté
Des soirs d'été,
Sur les gazons où ils s'éploient,
Nous offre le symbole
Sans geste vain, ni sans parole,
Du repos dans la joie.
Le matin jeune et ses surprises
S'en sont allés, avec les brises ;
Midi lui-même et les pans de velours
De ses vents chauds, de ses vents lourds
Ne tombe plus sur la plaine torride ;
Et voici l'heure où, lentement, le soir,
Sans que bouge la branche ou que l'étang se ride,
S'en vient, du haut des monts, dans le jardln, s'asseoir.
O la planité d'or à l'infini des eaux,
Et les arbres et leurs ombres sur les roseaux,
Et le tranquille et somptueux silence,
Dont nous goûtons alors
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Je dédie à tes pleurs, à ton sourire
Je dédie à tes pleurs, à ton sourire,
Mes plus douces pensées,
Celles que je te dis, celles aussi
Qui demeurent imprécisées
Et trop profondes pour les dire.
Je dédie à tes pleurs, à ton sourire,
A toute ton âme, mon âme,
Avec ses pleurs et ses sourires
Et son baiser.
Vois-tu, l'aube blanchit le sol, couleur de lie ;
Des liens d'ombre semblent glisser
Et s'en aller, avec mélancolie ;
L'eau des étangs s'éclaire et tamise son bruit,
L'herbe rayonne et les corolles se déplient,
Et les bois d'or s'affranchissent de toute nuit.
Oh ! dis, pouvoir, un jour,
Entrer ainsi dans la pleine lumière ;
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poem by Emile Verhaeren
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