Au passant d'un soir
Dites, quel est le pas
Des mille pas qui vont et passent
Sur les grand'routes de l'espace,
Dites, quel est le pas
Qui doucement, un soir, devant ma porte basse
S'arrêtera ?
Elle est humble, ma porte,
Et pauvre, ma maison.
Mais ces choses n'importent.
Je regarde rentrer chez moi tout l'horizon
A chaque heure du jour, en ouvrant ma fenêtre ;
Et la lumière et l'ombre et le vent des saisons
Sont la joie et la force et l'élan de mon être.
Si je n'ai plus en moi cette angoisse de Dieu
Qui fit mourir les saints et les martyrs dans Rome,
Mon coeur, qui n'a changé que de liens et de voeux,
Eprouve en lui l'amour et l'angoisse de l'homme.
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poem by Emile Verhaeren
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La Lys
Lys tranquille, Lys douce et lente
Dont le vent berce, aux bords, les herbes et les plantes,
Vous entourez nos champs et nos hameaux, là-bas,
De mille et mille méandres,
Pour mieux tenir serrée, entre vos bras,
La Flandre.
Et vous allez et revenez,
Sans angoisse et sans marée,
Automne, hiver, été, printemps ;
Et vous avez toujours le temps,
Comme les gens de nos contrées.
Et votre cours s'en va vers les pauvres maisons
Et les hauts clochers blancs, dont les quatre abat-sons
Jettent vers le jour proche,
Chaque matin, la voix des cloches ;
Et les fermes et les jardins et les prés roux,
Dont vous baignez le bout,
Possèdent tous, pour venir jusqu'à vous,
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Le chant de l'eau
L'entendez-vous, l'entendez-vous
Le menu flot sur les cailloux ?
Il passe et court et glisse
Et doucement dédie aux branches,
Qui sur son cours se penchent,
Sa chanson lisse.
Là-bas,
Le petit bois de cornouillers
Où l'on disait que Mélusine
Jadis, sur un tapis de perles fines,
Au clair de lune, en blancs souliers,
Dansa ;
Le petit bois de cornouillers
Et tous ses hôtes familiers
Et les putois et les fouines
Et les souris et les mulots
Ecoutent
Loin des sentes et loin des routes
Le bruit de l'eau.
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Au Reichstag
On m'affirmait :
' Partout où les cités de vapeurs s'enveloppent,
Où l'homme dans l'effort s'exalte et se complaît,
Bat le coeur fraternel d'une plus haute Europe.
De la Sambre à la Ruhr, de la Ruhr à l'Oural,
Et d'Allemagne en France et de France en Espagne
L'ample entente disperse un grand souffle auroral
Qui va de ville en plaine et de plaine en montagne.
Ici le charbon fume et là-bas l'acier bout,
Le travail y est sombre et la peine y est rude,
Mais des tribuns sont là dont le torse est debout
Et dont le verbe éclaire au front les multitudes.
Aux soirs d'émeute brusque et de battant tocsin,
Quand se forme et grandit la révolte brutale,
Pour qu'en soient imposés les voeux et les desseins
Leurs gestes fulguraux domptent les capitales.
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L'amante
Mon rêve est embarqué sur une île flottante,
Les fils dorés des vents captent, en leurs réseaux,
Son aventure au loin sur la mer éclatante ;
Mon rêve est embarqué, sur une île flottante,
Avec de grandes fleurs et de chantants oiseaux.
Pistils dardés ! pollens féconds et fleurs trémières !
Un rut immense et lourd semble tanguer dans l'air ;
Les blancs magnolias sont des baisers faits chair
Et les senteurs des lys parfument la lumière.
Les pivoines, comme des coeurs
Rouges, brûlent dans la splendeur ;
L'air pantelle d'amour et ses souffles se nouent ;
L'ombre est chaude, comme un sein sous la joue ;
De larges gouttelettes
Choient des branches, infatigablement,
Et les roses et les iris vont se pâmant,
Sur des lits bleus de violettes.
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Le meunier
Le vieux meunier du moulin noir,
On l'enterra, l'hiver, un soir
De froid rugueux, de bise aiguë
En un terrain de cendre et de ciguës.
Le jour dardait sa clarté fausse
Sur la bêche du fossoyeur ;
Un chien errait près de la fosse,
L'aboi tendu vers la lueur.
La bêche, à chacune des pelletées,
Telle un miroir se déplaçait,
Luisait, mordait et s'enfonçait,
Sous les terres violentées.
La fin du jour s'emplit d'ombres suspectes.
Sur fond de ciel, le fossoyeur,
Comme un énorme insecte,
Semblait lutter avec la peur ;
La bêche entre ses mains tremblait,
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Vers la mer
Comme des objets frêles,
Les vaisseaux blancs semblent posés
Sur la mer éternelle.
Le vent futile et pur n'est que baisers ;
Et les écumes,
Qui doucement échouent
Contre les proues,
Ne sont que plumes ;
Il fait dimanche sur la mer !
Telles des dames
Passent, au ciel ou vers les plages,
Voilures et nuages :
Il fait dimanche sur la mer ;
Et l'on voit luire, au loin, des rames,
Barres de prismes sur la mer.
Fier de moi-même et de cette heure
Qui scintillait en grappes de joyaux
Translucides sur l'eau,
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L'attente
Et c'est au long de ces pays de sépulture,
En ces marais, qui sont bourbeux depuis mille ans,
Que j'amarre, ce soir, mon désir d'aventure,
Comme un brusque voilier fragile et violent.
J'ai délaissé, là-bas, les quais lointains,
D'où s'exaltait et naviguait, dans les matins,
Inassouvie,
Avec le vieux butin du monde en ses flancs clairs,
Avec ses pavillons ameutant l'air,
L'Eternelle, qui est la vie.
Ici, le silence pèse de tout son poids
Sur un enclos bordé de dunes ;
Les mains obliques de la lune
Y caressent, sous les cieux froids,
D'énormes rangs de tombeaux blancs.
Des branchages, pareils à des vertèbres,
Pendant, cassés, autour de troncs massifs et lourds ;
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Les meules
Comme des tentes pour les blés
Les grandes meules fraternelles
Se rassemblent l'hiver sur les champs isolés
Et l'autan noir rôde autour d'elles
Les solides faucheurs du bourg
Les ont, sous la rude pesée
De leurs fermes genoux et de leurs coudes lourds,
Dûment, sur le sol dur, tassées.
Les grains sont tournés au-dedans,
Mais au-dehors pointent les pailles
Avec leur lame aiguë, avec leur bout mordant,
Comme des lances en bataille.
Chaque meule est dard et couteau
Contre ce qui tord, use ou case,
Contre les dents du gel et les griffes de l'eau
Et les grands vents trouant l'espace.
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A la gloire du vent
- Toi qui t'en vas là-bas,
Par toutes les routes de la terre,
Homme tenace et solitaire,
Vers où vas-tu, toi qui t'en vas ?
- J'aime le vent, l'air et l'espace ;
Et je m'en vais sans savoir où,
Avec mon coeur fervent et fou,
Dans l'air qui luit et dans le vent qui passe.
- Le vent est clair dans le soleil,
Le vent est frais sur les maisons,
Le vent incline, avec ses bras vermeils,
De l'un à l'autre bout des horizons,
Les fleurs rouges et les fauves moissons.
- Le Sud, l'Ouest, l'Est, le Nord,
Avec leurs paumes d'or,
Avec leurs poings de glace,
Se rejettent le vent qui passe.
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poem by Emile Verhaeren
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