O Necessite Dure!
O nécessité dure! ô pesant esclavage!
O sort! je dois donc voir, et dans mon plus bel âge,
Flotter mes jours, tissus de désirs et de pleurs,
Dans ce flux et reflux d'espoir et de douleurs!
Souvent, las d'être esclave et de boire la lie
De ce calice amer que l'on nomme la vie,
Las du mépris des sots qui suit la pauvreté,
Je regarde la tombe, asile souhaité;
Je souris à la mort volontaire et prochaine;
Je me prie, en pleurant, d'oser rompre ma chaîne;
Déjà le doux poignard qui percerait mon sein
Se présente à mes yeux et frémit sous ma main;
Et puis mon coeur s'écoute et s'ouvre à la faiblesse:
Mes parents, mes amis, l'avenir, ma jeunesse,
Mes écrits imparfaits; car, à ses propres yeux,
L'homme sait se cacher d'un voile spécieux.
A quelque noir destin qu'elle soit asservie,
D'une étreinte invincible il embrasse la vie,
Et va chercher bien loin, plutôt que de mourir,
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poem by Andre Marie de Chenier
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Jeune Fille, Ton Coeur Avec Nous
Jeune fille, ton coeur avec nous veut se taire.
Tu fuis, tu ne ris plus; rien ne saurait te plaire.
La soie à tes travaux offre en vain des couleurs;
L'aiguille sous tes doigts n'anime plus des fleurs.
Tu n'aimes qu'à rêver, muette, seule, errante,
Et la rose pâlit sur ta bouche expirante.
Ah! mon oeil est savant et depuis plus d'un jour;
Et ce n'est pas à moi qu'on peut cacher l'amour.
Les belles font aimer; elles aiment. Les belles
Nous charment tous. Heureux qui peut être aimé d'elles!
Sois tendre, même faible; on doit l'être un moment;
Fidèle, si tu peux. Mais conte-moi comment,
Quel jeune homme aux yeux bleus, empressé, sans audace,
Aux cheveux noirs, au front plein de charme et de grâce...
Tu rougis? On dirait que je t'ai dit son nom.
Je le connais pourtant. Autour de ta maison
C'est lui qui va, qui vient; et, laissant ton ouvrage,
Tu vas, sans te montrer, épier son passage.
Il fuit vite; et ton oeil, sur sa trace accouru,
Le suit encor longtemps quand il a disparu.
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poem by Andre Marie de Chenier
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O Delices D’Amour!
O délices d'amour! et toi, molle paresse,
Vous aurez donc usé mon oisive jeunesse!
Les belles sont partout. Pour chercher les beaux-arts,
Des Alpes vainement j'ai franchi les remparts;
Rome d'amours en foule assiège mon asile,
Sage vieillesse, accours! Ô déesse tranquille,
De ma jeune saison éteins ces feux brûlants,
Sage vieillesse! Heureux qui, dès ses premiers ans,
A senti de son sang, dans ses veines stagnantes,
Couler d'un pas égal les ondes languissantes;
Dont les désirs jamais n'ont troublé la raison;
Pour qui les yeux n'ont point de suave poison;
Au sein de qui jamais une absente perdue
N'a laissé l'aiguillon d'une trop belle vue;
Qui, s'il regarde et loue un front si gracieux,
Ne le voit plus, sitôt qu'il n'est plus sous ses yeux!
Doux et cruels tyrans, brillantes héroïnes,
Femmes, de ma mémoire habitantes divines,
Fantômes enchanteurs, cessez de m'égarer.
O mon coeur! ô mes sens! laissez-moi respirer.
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A La Sante
Allons, muse rustique, enfant de la nature,
Détache ces cheveux, ceins ton front de verdure,
Va de mon cher de Pange égayer les loisirs.
Rassemble autour de toi tes champêtres plaisirs;
Ton cortège dansant de légères dryades,
De nymphes au sein blanc, de folâtres ménades.
Entrez dans son asile aux muses consacré,
Où de sphères, d'écrits, de beaux-arts entouré,
Sur les doctes feuillets sa jeunesse prudente
Pâlit au sein des nuits près d'une lampe ardente.
Hélas! de tous les dieux il n'eut point les faveurs.
Souvent son corps débile est en proie aux douleurs.
Muse, implore pour lui la Santé secourable,
Cette reine des dieux sans qui rien n'est aimable,
Qui partout fait briller le sourire, les jeux,
Les grâces, le printemps. Qu'indulgente à tes voeux,
Le dictame à la main, près de lui descendue,
Elle vienne avec toi présenter à sa vue
Cette jeunesse en fleur, et ce teint pur et frais,
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La Nymphe L’Apercoit
La nymphe l'aperçoit, et l'arrête, et soupire.
Vers un banc de gazon, tremblante, elle l'attire;
Elle s'assied. Il vient, timide avec candeur,
Ému d'un peu d'orgueil, de joie et de pudeur.
Les deux mains de la nymphe errent à l'aventure.
L'une, sur son front blanc, va de sa chevelure
Former les blonds anneaux. L'autre de son menton
Caresse lentement le mol et doux coton.
'Approche, bel enfant, approche, lui dit-elle,
Toi si jeune et si beau, près de moi jeune et belle.
Viens, ô mon bel ami, viens, assieds-toi sur moi.
Dis, quel âge, mon fils, s'est écoulé pour toi?
Aux combats du gymnase as-tu quelque victoire?
Aujourd'hui, m'a-t-on dit, tes compagnons de gloire,
Trop heureux, te pressaient entre leurs bras glissants,
Et l'olive a coulé sur tes membres luisants.
Tu baisses tes yeux noirs? Bienheureuse la mère
Qui t'a formé si beau, qui t'a nourri pour plaire!
Tu souris? tu rougis? Que ta joue est brillante!
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La Jeune Tarentine
Pleurez, doux alcyons! ô vous, oiseaux sacrés,
Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez!
Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine!
Un vaisseau la portait aux bords de Camarine:
Là, l'hymen, les chansons, les flûtes, lentement
Devaient la reconduire au seuil de son amant.
Une clef vigilante a, pour cette journée,
Dans le cèdre enfermé sa robe d'hyménée,
Et l'or dont au festin ses bras seraient parés,
Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés.
Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles,
Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles
L'enveloppe; étonnée et loin des matelots,
Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots.
Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine!
Son beau corps a roulé sous la vague marine.
Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d'un rocher,
Aux monstres dévorants eut soin de le cacher.
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L’Art Des Transports De L’Ame
L'art, des transports de l'âme est un faible interprète:
L'art ne fait que des vers; le coeur seul est poète.
Sous sa fécondité le génie opprimé
Ne peut garder l'ouvrage en sa tête formé.
Malgré lui, dans lui-même, un vers sûr et fidèle
Se teint de sa pensée et s'échappe avec elle.
Son coeur dicte; il écrit. A ce maître divin
Il ne fait qu'obéir et que prêter sa main.
S'il est aimé, content, si rien ne le tourmente,
Si la folâtre joie et la jeunesse ardente
Étalent sur son teint l'éclat de leurs couleurs,
Ses vers, frais et vermeils, pétris d'ambre et de fleurs,
Brillants de la santé qui luit sur son visage,
Trouvent doux d'être au monde et que vieillir est sage.
Si, pauvre et généreux, son coeur vient de souffrir
Aux cris d'un indigent qu'il n'a pu secourir;
Si la beauté qu'il aime, inconstante et légère,
L'oublie en écoutant une amour étrangère;
De sables douloureux si ses flancs sont brûlés,
Ses tristes vers en deuil, d'un long crêpe voilés,
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Neere
Mais telle qu'à sa mort, pour la dernière fois,
Un beau cygne soupire, et de sa douce voix,
De sa voix qui bientôt lui doit être ravie,
Chante, avant de partir, ses adieux à la vie,
Ainsi, les yeux remplis de langueur et de mort,
Pâle, elle ouvrit sa bouche en un dernier effort:
'O vous, du Sébéthus naïades vagabondes,
Coupez sur mon tombeau vos chevelures blondes.
Adieu, mon Clinias! moi, celle qui te plus,
Moi, celle qui t'aimai, que tu ne verras plus.
O cieux, ô terre, ô mer, prés, montagnes, rivages,
Fleurs, bois mélodieux, vallons, grottes sauvages,
Rappelez-lui souvent, rappelez-lui toujours
Néère tout son bien, Néère ses amours;
Cette Néère, hélas! qu'il nommait sa Néère,
Qui, pour lui criminelle, abandonna sa mère;
Qui, pour lui fugitive, errant de lieux en lieux,
Aux regards des humains n'osa lever les yeux.
Oh! soit que l'astre pur des deux frères d'Hélène
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Blanche Et Douce Colombe
Blanche et douce colombe, aimable prisonnière,
Quel injuste ennemi te cache à la lumière?
Je t'ai vue aujourd'hui (que le ciel était beau!)
Te promener longtemps sur le bord du ruisseau,
Au hasard, en tous lieux, languissante, muette,
Tournant tes doux regards et tes pas et ta tête.
Caché dans le feuillage, et n'osant l'agiter,
D'un rameau sur un autre à peine osant sauter,
J'avais peur que le vent décelât mon asile.
Tout seul je gémissais, sur moi-même immobile,
De ne pouvoir aller, le ciel était si beau!
Promener avec toi sur le bord du ruisseau.
Car, si j'avais osé, sortant de ma retraite,
Près de ta tête amie aller porter ma tête,
Avec toi murmurer et fouler sous mes pas
Le même pré foulé sous tes pieds délicats,
Mes ailes et ma voix auraient frémi de joie,
Et les noirs ennemis, les deux oiseaux de proie,
Ces gardiens envieux qui te suivent toujours,
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poem by Andre Marie de Chenier
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Sur Un Groupe De Jupiter Et D’Europe
_Des nymphes et des satyres chantent dans une grotte qu'il faut peindre
bien romantique, pittoresque, divine, en soupant, avec des coupes
ciselées; chacun chante le sujet représenté sur sa coupe. L'un_:
Étranger, ce taureau, _etc._; _l'autre_: Pasiphaé; _d'autres,
d'autres_...
EUROPE
Étranger, ce taureau, qu'au sein des mers profondes
D'un pied léger et sûr tu vois fendre les ondes,
Est le seul que jamais Amphitrite ait porté.
Il nage aux bords crétois. Une jeune beauté
Dont le vent fait voler l'écharpe obéissante
Sur ses flancs est assise, et d'une main tremblante
Tient sa corne d'ivoire, et, les pleurs dans les yeux,
Appelle ses parents, ses compagnes, ses jeux;
Et, redoutant la vague et ses assauts humides,
Retire et veut sous soi cacher ses pieds timides.
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poem by Andre Marie de Chenier
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